SAKALA : des jeunes de Cité Soleil vivent
un rêve…
Nou Pou Nou/Développement communautaire
Avec l’opération « Bagdad », les
habitants de Cité Soleil vivaient leurs pires moments en 2006. Pour sauver des
enfants et adolescents utilisés dans des activités de banditisme, de crime
organisé ou d’autres formes de violence, quelques leaders de cette commune
marginalisée avaient pensé que l’utilisation du football était un vecteur
intéressant. Ils avaient raison. Via le mouvement communautaire SAKALA (Sant
kominotè altènatif lapè), plusieurs dizaines de jeunes ont été canalisés vers
un lendemain meilleur par le sport et l’éducation.
Quartier «3 BB» à Cité Soleil. Derrière une grande barrière verte
truffée de messages de paix et d’amour, des gars jouent au foot. Ils viennent
de différents quartiers qui étaient souvent en conflit au cœur du vaste
bidonville. Dans une salle, à côté d’une mini bibliothèque, Emmanuela Fortin,
17 ans, prépare son devoir d’anglais qu’elle n’a pas trop bien compris en
classe. Ses collègues, en majorité des filles, sont là pour la même cause. Ils
écoutent attentivement leurs moniteurs. Après l'école, le rendez-vous est pris
ici pour effectuer ensemble les devoirs de maison et suivre des séances de mise
à niveau.
« Mon père est porté disparu depuis 2011,
explique Emmanuela. Un soir, quelqu’un est venu l’appeler, il est sorti pour
aller le trouver, il n’est jamais revenu depuis. Ma maman n’a pas assez
de moyens économiques pour payer mes études, SAKALA m’a donc prise en
charge. Le programme est vraiment intéressant, je me sens bien », ajoute
l’adolescente qui rêve d’étudier les sciences comptables ou les sciences
infirmières.
Comme elle, plusieurs dizaines d’enfants
et d’adolescents vivent une nouvelle vie depuis la mise en place de SAKALA
ayant pour slogan : « Un rêve et tout est possible. » Daniel Tillias, qui a
passé une grande partie de sa vie au cœur du vaste bidonville, est l’un des
membres fondateurs. « SAKALA entre dans la même logique de Pax Christi, un
mouvement pour encourager la paix dans le monde, explique-t-il. Mais SAKALA est
un mouvement purement communautaire mis sur pied en 2006 quand Cité Soleil a
connu les moments les plus difficiles avec des activités de violence, de
kidnapping… Il fallait penser à une alternative. »
« Il y avait des conflits armés entre
différents quartiers à l’époque, poursuit Daniel Tillias. Nous avions réalisé
quand il y avait un match de foot, quand le Real Madrid, le Milan AC ou
encore le FC Barcelone jouaient, les bandits déposaient leurs armes pour
regarder le match. Comme stratégie, nous avons donc commencé avec le football
en faisant jouer tous les enfants de différents quartiers pour faire la paix. »
Une équipe en deuxième division, un jardin
dans la ville…
Aujourd’hui, grâce à ce mouvement
communautaire, Cité Soleil a une équipe qui joue déjà en deuxième division. Une
équipe qui se distingue par son fair- play. Au sport, les leaders de SAKALA ont
associé l’éducation dans cette aventure démarrée dans une pièce de maison de 10
mètres carrés chez l’un des membres fondateurs de l’association communautaire
qui dessert quelque 250 jeunes.
« L’idée est de donner une chance à Cité
Soleil de montrer un nouveau visage à l’extérieur, explique Daniel Tillias.
Nous devions faire comprendre que Cité Soleil est une communauté comme
n’importe quelle autre du pays, mais avec peut-être des besoins ou des
problèmes différents. »
Le quartier « 3 BB » a certes ses besoins,
mais avec SAKLA, il a aussi des initiatives positives entreprises qui sautent
aux yeux. Outre les volets éducation et sport, les responsables de SAKALA
ont prouvé que l‘agriculture n’est pas vraiment une affaire de campagne ou de
paysans. Sur les vestiges d’une usine détruite lors des combats après la chute
d’Aristide et qui allait servir par la suite de dépotoir poussent, depuis
tantôt quatre ans, des olives, des légumes et des plantes aromatiques vendus
parfois à des institutions. Comme une petite forêt dans la ville. « C’était une
façon d’inspirer les habitants de Cité Soleil sur la sécurité alimentaire, leur
montrer qu’ils peuvent produire, eux aussi », expliquent les leaders du
mouvement associatif.
Des jeunes épargnés de la délinquance
Aujourd’hui, en contemplant le sourire sur
le visage de beaucoup de jeunes de «3 BB» et d’autres quartiers, des
parents – dont certains ont perdu leurs enfants dans des conflits armés ou
d’autres actes de banditisme – estiment que c’est un signe pour montrer qu’il y
a encore de l’espoir et qu’on peut faire beaucoup de choses.
« J’avais des amis très paisibles et
respectueux qui passaient leur temps à l’église, se souvient Daniel Tillias.
Leurs parents ont fait des efforts pour qu’ils deviennent des gens de bien.
Après quelque temps, j’ai demandé de leurs nouvelles, et j’ai appris que
certains sont en prison et d’autres ont été tués dans des activités de
banditisme. C’est vraiment révoltant. Ce sont des jeunes qui avaient tous les
potentiels pour devenir un grand avocat, un grand ingénieur… »
Elison Mentor, 18 ans, et tant d’autres
jeunes ont été canalisés vers un lendemain meilleur. Au lieu de se livrer à la
délinquance, Elison joue de préférence au football au poste de milieu défensif.
Pour lui, le centre de formation SAKALA, supporté aujourd’hui par des
partenaires locaux et internationaux, occupe une place spéciale dans sa vie. «
Le centre m’a beaucoup aidé à tous les niveaux, affirme Elison Menor. Il occupe
une place spéciale dans ma vie. J’ai suivi une bonne ligne de conduite. Je ne
fume pas et je ne bois pas d’alcool. Je ne sais ce que je serais devenu. C’est
quand même un privilège, je pense que d’autres jeunes qui sont aujourd’hui
impliqués dans des activités de violence auraient changé s’ils avaient eu la
chance d’intégrer un centre pareil.
»
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